mardi 3 mai 2011

Il y a une année

Il y a une année le rapport du groupe de travail de la Bibliothèque de SES mettait en garde les autorités universitaires du danger que le projet de réorganisation structurelle des bibliothèques faisait courir, en terme de politique informationnelle, à l'Université.
Dans une attitude constructive, et afin d'aider les autorités universitaires à mener à bien leur projet de restructuration des bibliothèques, le rapport mettait en évidence, de façon argumentée, les risques de nature humaine, de nature organisationnelle et de nature financière inhérents à ce projet.
Une année plus tard ce texte reste d'une parfaite pertinence et d'une brûlante actualité.

Rappelons que les responsables de site ont tous approuvé ce rapport tandis que notre direction l'avait accueilli en le qualifiant de "torchon" :

Groupe de travail constitué à la demande de Mme Daisy McAdam, directrice de la
Bibliothèque des SES, composé de :
Gilles Falquet (pt, Président de la Commission BSES), Michelle Bergadaà (po, membre de la

Commission BSES), Daisy McAdam (Dir. BSES), Joëlle Angeloz, Marinette Gilardi-Monnier,
Renato Scariati, (bibl. resp. BSES)
Objet : synthèse du groupe de travail sur la réorganisation des bibliothèques de
l'Université de Genève

Le groupe de travail a eu pour mission d’analyser la future organisation, telle que présentée lors de la séance du 22 avril 2010 au Décanat de la Faculté de SES.
Les éléments factuels portés à la connaissance du groupe de travail semblent démontrer la volonté de mettre en place, dès le 1er mai 2010, une réorganisation des bibliothèques de l’Université de Genève selon le schéma du document intitulé "3-Organisation et gouvernance".
N’ayant pas eu l’occasion de s’exprimer formellement vis-à-vis des éléments contenus dans ce document, les membres de ce groupe de travail indiquent par la présente :
  • leur intérêt pour un projet de réorganisation, tel que déclaré depuis 2000, dans l'Etude Van Dijk,
  • leur désir d’aider les autorités universitaires à mener à bien un projet qui aille dans le sens d’une optimisation financière, d’un service de proximité accru avec l’usager et d’un ancrage déterminé dans les évolutions technologiques,
  • leur conscience que cette synthèse réalisée dans le contexte d’une faculté, celle des SES, ne prétend pas être généralisable à toutes les bibliothèques.
Par conséquent, les auteurs du présent document ne remettent pas en question la manière dont il a été procédé pour décider de ce plan de réorganisation. Il s’agit de présenter brièvement une analyse opportunités / risques de cette décision.

1 – Les soucis de nature humaine
 

Quelle que soit la qualité du projet, sa mise en place appelle :
  • Une compréhension du projet par la direction de la bibliothèque, laquelle va devoir traduire les intentions stratégiques du Rectorat en plans d’action concrets.
  • Que les responsables et spécialistes de secteurs (Service de référence, Formation, Politique des collections, Gestion des collections, Prêt, CALIS, Ressources électroniques, Communication Web) comprennent clairement les implications pragmatiques de la réforme pour leurs champs de responsabilités afin de mettre en place les actions concrètes y afférentes.
  • Que tous les acteurs mobilisés s’approprient collectivement le projet, afin que ce dernier induise la volonté de tous les employés d’exécuter les consignes.
  •  La reconnaissance par tous d’un calendrier raisonnable et explicite, afin que le collaborateur subisse le moins de nuisances possibles durant la période de transition et puisse s’organiser en conséquence.
--> Dans l’état actuel du projet, nous considérons que les risques d’anxiété au travail et de blocage sont très élevés, et ce pour des raisons de communication. Nous demandons qu’une période de transition d’au moins six mois soit dévolue à expliquer les modifications qui affecteront le collaborateur.
 
2 – Les soucis de nature organisationnelle
 
  • L’interdisciplinarité, voire la transdisciplinarité, voire l’holisme, sont les bases fondamentales de la recherche, de la production de connaissance et de sa diffusion dans les champs des sciences économiques et sociales. Le débat mondial aujourd’hui se pose en termes d’ontologie et d’épistémologie.
--> La vision par disciplines, quoique ordonnée et fonctionnelle, présente un danger pour notre réputation internationale et compromet notre insertion dans les réseaux internationaux.
  • Depuis plus de dix ans, notre bibliothèque est reconnue pour avoir choisi, intégré et mis en oeuvre « les compétences informationnelles », qui vont bien au-delà de la mise à disposition de connaissances. Elles reposent sur une co-construction de connaissances avec l’étudiant, et notamment avec le doctorant qui représente la relève.
--> La vision qui nous est présentée, quoique économique sous certains aspects, pourrait être considérée comme une démission de notre mission universitaire centrale, à l’heure où chacun, plus que jamais, a besoin de repères formels durant son parcours.

  • A une époque de mutation (TIC et mondialisation) du savoir, alors que les tendances lourdes annoncent un changement majeur pour les 10 prochaines années, il est fondamental de garder la plus grande proximité avec les professeurs et les chercheurs afin d’être proactifs. Pour exemple, l’étroite collaboration entre 4 des signataires de ce document s’est concrétisée par une publication (La relation éthique-plagiat dans la réalisation des travaux personnels par les étudiants, Université de Genève, mars 2008). Ce document en est à sa troisième réédition afin de répondre à une demande internationale.
--> La vision qui nous est présentée, d’un éclatement de cette proximité, nous fait craindre un manque de réactivité futur par dissolution de ce lien de confiance mutuelle élaboré historiquement au sein de la Faculté SES.

  • L’orientation sur les besoins de l’usager a toujours été le credo de la Bibliothèque. Cette « logique de la demande » est aujourd’hui l’axe dominant du métier. Il est à craindre qu’une « orientation collections », ou logique de l’offre, telle que présentée, aille à l’encontre des pratiques internationales.
--> La vision actuelle nous sera difficile à défendre, par rapport à l’organisation des autres bibliothèques suisses, et surtout dans l’évaluation des classements universitaires internationaux.

3 - Les soucis de nature financière
  
  • Le projet d’un 5ème site (Bibliothèque du Seujet), est une des pierres fondamentales de la réforme. Si pour une raison une autre (ex. manque de budget, opposition, recours...), ce projet ne voyait pas le jour, le temps investi par les parties-prenantes à partir du 1er mai 2010 constituerait une perte sèche.
--> Afin de ne pas courir ce risque, nous considérons qu’il serait sage de n’engager aucun processus de changement avant de savoir que la mise en place de ce 5ème site est assurée.

  • La réforme prévue dans la gestion des collections (macro-classification et gestion dynamique), trouve son origine dans les années ’70 (Slote S.J., Weeding library collections), de l’époque où on assistait à une explosion de la littérature papier, donc, bien avant l’avènement de l’information numérique. Or, à la vitesse des mutations actuelles, cette réforme des collections risque d’être obsolète avant même d’être achevée (i.e. archives ouvertes, périodiques électroniques, e-books …).
--> Nous réitérons notre crainte, et nous demandons un complément de garantie que le travail effectué avec bonne foi par les membres du personnel de la bibliothèque ne soit pas in fine inutile.

4 - En conclusion
 
Les décisions qui devraient être prises en matière de réorganisation des bibliothèques nous semblent risquées pour notre Université. Ces décisions devraient, selon nous, faire l’objet d’une étude complémentaire, notamment sur la base d’éléments que nous avons ébauchés dans cette note.
Il nous semblerait donc sage de prendre quelques mois de plus pour analyser les risques et les opportunités de cette réforme avant de mobiliser tout le personnel.
Nous serons heureux de travailler en toute transparence avec des experts, comme par exemple des bibliothécaires (ex. LERU, IFLA) ou d’autres spécialistes qui pourraient analyser les risques humains, organisationnels et financiers tels qu’ébauchés ci-dessus.
Le groupe de travail demande que le présent document soit distribué dans son intégralité à tous les membres du Conseil participatif, et bien sûr à toute personne intéressée.
 
Séance du 26 avril 2010

17 commentaires:

  1. Le torchon brûle...

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  2. Et l'on sait où passer un gros coup de torchon !

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  3. Heureusement qu'il y a encore l'humour !

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  4. Peut-être que cette pertinente analyse sera enfin lue sur ce blog par quelques décideurs intelligents et réactifs ?

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  5. "Malheur, malheur, malheur aux bibliothécaires !" (Apocalypse apocryphe de la DIS, fiche 32)

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  6. Bientôt 25'000 visites, ça se fête, non ?

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  7. L'histoire donnera raison aux vrais professionnels ! Est-ce une consolation ? Peut-être ? Ce que je sais c'est qu'il y aura du travail pour reconstruire tout ce qui est en train d'être détruit : les services aux usagers, la motivation des bibliothécaires, les compétences, la santé des professionnels, l'envie, le respect... quel gâchis, alors que c'était déjà écrit !

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  8. Il n'est plus temps d'utiliser des euphémismes comme "notre direction a qualifié de torchon l'analyse de la BSES". C'est Mme Hadengue qui a qualifié cette analyse de torchon. C'était indigne il y a une année, ça l'est exponentiellement aujourd'hui, toutes les craintes exprimées dans ce rapport s'étant malheureusement réalisées. Un mot revient sans cesse sur ce blog : gâchis, quel gâchis.
    Mme Hadengue, que vous faut-il encore pour prendre la mesure de votre échec ?

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  9. Mme Hadengue semble être dans la stratosphère, coupée de la réalité, ne voulant pas se rendre compte du chaos qu'elle a semé au sein des bibliothèques universitaires, ne voulant pas se remettre en question. L'obstination, quand on fonce dans un mur, n'est pas une preuve d'intelligence.

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  10. Quel est le bilan Mme Hadengue après une année ?
    Etes vous satisfaite du résultat ?

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  11. Ainsi donc, la consultation d'un expert externe, proposée il y a une année, avait été écartée sans même être examinée. Qu'est-ce qui a changé entre temps pour que d'un coup, Madame Hadengue décroche son téléphone et accepte la même proposition faite sur ce blog (cf. http://bibliothecairesunige.blogspot.com/2011/04/pour-en-sortir.html)?
    Peut-être le fait que la plupart des craintes exprimées dans ce rapport sont en train de se vérifier...

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  12. Quand je lis ce rapport qui date d'une année, je suis stupéfaite.
    D'abord il est signé, il énumère clairement qui a participé au groupe de travail, les objectifs. Ce texte est clair et précis. Ce qui me frappe aussi c'est le ton respectueux et conciliant. Les arguments sont dictés par des professionnels pour des professionnels mais compréhensibles par tous ceux qui ont pour souci le bon fonctionnement des bibliothèques.
    Il est bien structuré, concis et pertinent.
    Depuis un an, nous recevons des messages avec un ton paternaliste, méprisant, rarement écrits par des professionnels pour des professionnels, mal structurés, sans donner les informations que nous demandons.
    Pourtant quand je lis les noms des signataires, je me dis que toutes ces compétences sont encore là, alors pourquoi ne pas leur demander de les mettre au service du bon projet, celui qui sera porté par tous.

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  13. Mais que celles qui font obstacle s'en aillent, pour que les choses avancent enfin ! Au bout de trois ans...

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  14. VHDIS, out.
    Zou.
    Loin.

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  15. Ah, l'admirable et définitif haïku du 4 mai à 21h34 : Sōseki ne l'eût pas renié.

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  16. Plan de sauvegarde de ce qui peut encore être sauvé :
    1: ADR vide son bureau pour la fin juin
    2: VHD aussi
    3: Uni-Mail : responsable et sous-cheftaine idem

    4: cellule de crise "psy" avec des spécialistes maison (unige), pour récupérer les responsables de sites dotés du sens des réalités (qu'ils puissent enfin verbaliser ce qu'ils ont vu, vécu...)

    5: cellule de crise "droit du travail" avec des spécialistes maison (unige) pour évaluer les dégâts dans le domaine et rétablir la notion de légalité dans notre environnement,

    6: cellule de crise "organisation des administrations publiques" avec des spécialistes maison pour établir, mettre en oeuvre et appliquer un plan en collaboration avec les professionnels anciens "responsables de service" et autres cerveaux utiles, notamment nos collègues de la (anciennement) coordination locale,

    8: une vraie communication (maintenant avec le blog, on prouve qu'on sait faire !)

    Voilà !
    Utilisons nos potentialités.
    Monsieur le Recteur, écoutez !

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  17. Relisez les 5 points de l'avant-dernier message de la rubrique "Pour en sortir", et vous comprendrez sans peine pourquoi l'intelligent rapport du groupe de travail constitué à la demande de Mme Daisy McAdam a été balayé d'un méprisant et méprisable revers de main par un Rectorat et une DIS bien dans l'air du temps...

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